L'Education Endowment Foundation (EEF) est une fondation à laquelle le gouvernement britannique a donné la mission et les moyens de déterminer "ce qui marche" dans le domaine de l'éducation, et d'en diffuser les résultats. En 2018, l’EEF a publié un rapport formulant sept recommandations pour améliorer l’enseignant des sciences dans le second degré à partir d'une analyse de la littérature scientifique internationale disponible. L'approche est non-prescriptive : toute l'information est simplement mise à disposition des enseignants, à eux de décider ce qu'ils en font. Nous proposons ici une traduction – approximative – de la recommandation n°1, consacré à la prise en compte des préconceptions des élèves dans l'enseignement des sciences (Preconceptions: Build on the ideas that pupils bring to lessons).
Mots-clés : préconceptions, conceptions erronées, conflit cognitif, concepts-seuils.
Mots-clés : préconceptions, conceptions erronées, conflit cognitif, concepts-seuils.
La science discute la manière dont le monde fonctionne ; et bien avant que les enfants ne commencent une éducation formelle en science, ils construisent leur propre compréhension des phénomènes qu'ils rencontrent au quotidien. Ces préconceptions (preconceptions) sont construites à travers des expériences sensorielles et des interactions sociales. Ces idées auto-construites peuvent ou non correspondre à la compréhension qu'ont les scientifiques de ces phénomènes. Si elles ne le font pas, elles constituent des conceptions erronées (misconceptions). Les élèves doivent alors passer par un processus d'ajustement de leurs idées, voire les remplacer par des idées plus scientifiquement correctes.
Le processus par lequel les enfants adaptent et affinent leurs théories s'apparente au processus de découverte scientifique lui-même. Pensez à la façon dont la théorie de la relativité s'est construite sur la mécanique classique de Newton et l'a raffinée. Il y a beaucoup à apprendre du processus de découverte scientifique face aux préconceptions des élèves :
Le processus par lequel les enfants adaptent et affinent leurs théories s'apparente au processus de découverte scientifique lui-même. Pensez à la façon dont la théorie de la relativité s'est construite sur la mécanique classique de Newton et l'a raffinée. Il y a beaucoup à apprendre du processus de découverte scientifique face aux préconceptions des élèves :
- Les préconceptions font partie de l'histoire des sciences, et nous en avons tous. L'essentiel, c'est d'être conscient de celles que les élèves sont susceptibles d'avoir, et de savoir comment construire par-dessus ;
- Pour ajuster leurs conceptions erronées, les élèves ont besoin de preuves convaincantes qui les aident à changer leur manière de penser et à accepter la nouvelle conception ;
- Changer sa propre manière de penser prend du temps, et les élèves doivent revoir leurs idées et se voir montrer différents exemples pour développer leur réflexion.
Où sont les preuves ?
Il s'agit d'un champ de recherche bien documenté et il est clairement prouvé que l'apprentissage est plus efficace lorsque les connaissances antérieures des élèves sont prises en compte. En particulier, les données suggèrent que :
- Les élèves construisent leurs propres explications des phénomènes, et ces idées peuvent différer des explications scientifiques. Il existe des conceptions erronées communes en science et des recherches permettent de les identifier ;
- Le conflit cognitif est un moyen efficace de transformer la pensée des élèves, en les aidant à modifier leurs conceptions ;
- Les conceptions erronées peuvent être difficiles à dépasser, mais y parvenir peut conduire à de grands grains d'apprentissage, en particulier en ce qui concerne les concepts-seuils.
Comprendre les conceptions que les élèves apportent en cours de science
Tout d'abord, découvrez quelles sont les préconceptions des élèves. Connaître les conceptions erronées les plus connues sont un bon point de départ ; l'encadré 1 contient quelques endroits où vous pouvez trouver des informations sur les conceptions erronées les plus courantes. Cependant, ce ne sont peut-être pas les préconceptions de votre classe !
Il est important de rapidement cerner les idées des élèves au début d'un nouveau thème. Il est utile que vos élèves soient eux-mêmes conscients des idées qu'ils ont pour pouvoir les comparer avec les explications scientifiques que vous enseignez.
Il est important de rapidement cerner les idées des élèves au début d'un nouveau thème. Il est utile que vos élèves soient eux-mêmes conscients des idées qu'ils ont pour pouvoir les comparer avec les explications scientifiques que vous enseignez.
Encadré 1 : Sources d'information en ligne sur les conceptions erronées courantes
- STEM Learning Understanding misconceptions
https://www.stem.org.uk/resources/elibrary/resource/31725/understanding-misconceptions
- Le site Learn Chemistry de la Royal Society of Chemistry
http://www.rsc.org/learn-chemistry
- Le site de l’Institut de Physique Supporting Physics Teaching
http://www.iop.org/education/teacher/support/spt/page_41531.html
- AAAS Project 2061
http://assessment.aaas.org/topics
- STEM Learning Understanding misconceptions
https://www.stem.org.uk/resources/elibrary/resource/31725/understanding-misconceptions
- Le site Learn Chemistry de la Royal Society of Chemistry
http://www.rsc.org/learn-chemistry
- Le site de l’Institut de Physique Supporting Physics Teaching
http://www.iop.org/education/teacher/support/spt/page_41531.html
- AAAS Project 2061
http://assessment.aaas.org/topics
Il existe différentes manières d'expliciter la pensée des élèves. Deux voies pour y parvenir sont explorées dans l'encadré 2.
Encadré 2 : Aider à les élèves à expliciter leur pensée
http://assessment.aaas.org/topics
Lesquelles des parties suivantes du corps d'un animal sont constituées de cellules ?
A. Les muscles, mais pas le cerveau
B. Le cerveau, mais pas les muscles
C. Les muscles et le cerveau
D. Ni le cerveau, ni les muscles
La bonne réponse à cette question est la C : les autres réponses représentent la conception erronée selon laquelle certaines parties vivantes des organismes ne sont pas constituées de cellules.
Ces questions peuvent être utilement employées lors des "moments charnières" de votre enseignement, en aidant à le guider vers la direction adéquate. Une bonne source de questions diagnostiques est le Best Evidence Science Teaching (BEST) :
https://www.stem.org.uk/best-evidence-science-teaching
- Questions diagnostiques
http://assessment.aaas.org/topics
Lesquelles des parties suivantes du corps d'un animal sont constituées de cellules ?
A. Les muscles, mais pas le cerveau
B. Le cerveau, mais pas les muscles
C. Les muscles et le cerveau
D. Ni le cerveau, ni les muscles
La bonne réponse à cette question est la C : les autres réponses représentent la conception erronée selon laquelle certaines parties vivantes des organismes ne sont pas constituées de cellules.
Ces questions peuvent être utilement employées lors des "moments charnières" de votre enseignement, en aidant à le guider vers la direction adéquate. Une bonne source de questions diagnostiques est le Best Evidence Science Teaching (BEST) :
https://www.stem.org.uk/best-evidence-science-teaching
- Discussions en classe et en petits groupes
Transformer la pensée des élèves à travers le conflit cognitif et la discussion
Une fois que vous avez identifié leurs préconceptions, vous pouvez commencer à aider les élèves à transformer leur pensée. Un moyen utile d'y parvenir est de fournir des preuves qui peuvent entrer en conflit avec les idées des élèves.
Une façon d'y arriver est d'introduire le conflit cognitif dans les cours. Cela a été largement testé dans le cadre du programme Cognitive Accélération through Science Education (CASE). Dans le cadre des cours CASE, les élèves font des observations inattendues qui remettent en question leurs conceptions erronées et les obligent à restructurer leur façon de penser pour tenir compte de ces nouvelles preuves. Ils sont ensuite accompagnés, par l'enseignant et leurs pairs, pour résoudre le problème et le conflit cognitif. Ce faisant, les élèves développent de nouvelles stratégies d'apprentissage et des connaissances qu'ils peuvent ensuite appliquer à d'autres contextes.
Une exemple de conflit cognitif est présenté dans l'encadré 3.
Une façon d'y arriver est d'introduire le conflit cognitif dans les cours. Cela a été largement testé dans le cadre du programme Cognitive Accélération through Science Education (CASE). Dans le cadre des cours CASE, les élèves font des observations inattendues qui remettent en question leurs conceptions erronées et les obligent à restructurer leur façon de penser pour tenir compte de ces nouvelles preuves. Ils sont ensuite accompagnés, par l'enseignant et leurs pairs, pour résoudre le problème et le conflit cognitif. Ce faisant, les élèves développent de nouvelles stratégies d'apprentissage et des connaissances qu'ils peuvent ensuite appliquer à d'autres contextes.
Une exemple de conflit cognitif est présenté dans l'encadré 3.
Encadré 3 : Exemple de conflit cognitif
Adapté de Burrows et al., 2017 (p. 47).
Adapté de Burrows et al., 2017 (p. 47).
L'une des choses essentielles que les élèves doivent savoir est qu'il y a un espace vide entre les particules de matière.
Ces idées peuvent cependant entrer en conflit avec les préconceptions des élèves. Même s'ils savent que les particules d'un gaz ont des espaces entre elles, ils pensent souvent que l'espace entre elles est rempli d'autres choses telles que des bactéries, des polluants ou de l'oxygène.
Une façon de créer un conflit cognitif dans ce cas est de montrer que l'air d'une seringue bloquée peut être comprimé dans un volume plus petit (par exemple à l'aide d'une seringue de 100 cm3 et montrant que l'air peut être comprimé à 50 cm3), mais que c'est impossible pour un liquide et un solide. Cela fournit aux élèves une situation qui ne peut être expliquée sans l'existence d'un vide entre les particules, ce qui signifie qu'ils devront ajuster leurs idées pour s'adapter à cette nouvelle situation.
Les élèves peuvent travailler en groupes pour trouver des modèles expliquant comment les particules doivent être disposées dans l'air pour permettre à cette compression de se produire. Cela pourrait se faire par le dessin, permettant une discussion en classe sur les différents modèles proposés par les élèves. La compréhension peut être approfondie en leur demandant s'ils pensent qu'un gaz pourrait être comprimé jusqu'à un volume nul.
Ces idées peuvent cependant entrer en conflit avec les préconceptions des élèves. Même s'ils savent que les particules d'un gaz ont des espaces entre elles, ils pensent souvent que l'espace entre elles est rempli d'autres choses telles que des bactéries, des polluants ou de l'oxygène.
Une façon de créer un conflit cognitif dans ce cas est de montrer que l'air d'une seringue bloquée peut être comprimé dans un volume plus petit (par exemple à l'aide d'une seringue de 100 cm3 et montrant que l'air peut être comprimé à 50 cm3), mais que c'est impossible pour un liquide et un solide. Cela fournit aux élèves une situation qui ne peut être expliquée sans l'existence d'un vide entre les particules, ce qui signifie qu'ils devront ajuster leurs idées pour s'adapter à cette nouvelle situation.
Les élèves peuvent travailler en groupes pour trouver des modèles expliquant comment les particules doivent être disposées dans l'air pour permettre à cette compression de se produire. Cela pourrait se faire par le dessin, permettant une discussion en classe sur les différents modèles proposés par les élèves. La compréhension peut être approfondie en leur demandant s'ils pensent qu'un gaz pourrait être comprimé jusqu'à un volume nul.
Accorder suffisamment de temps pour dépasser les conceptions erronées et transformer la pensée des élèves
Tout au long des séquences d'enseignement, il est utile de revenir aux conceptions erronées et de rappeler aux élèves ce qu'ils pensaient au début, en les incitant à revoir ces premières idées et en reconnaissant tout changement dans leur réflexion. Certaines conceptions erronées peuvent prendre du temps à évoluer, il est donc important d'utiliser l'évaluation formative pour s'assurer que leur façon de penser a durablement changé.
De nombreuses conceptions erronées sont liées à certains concepts appelés concepts-seuils (threshold concepts). Ces concepts transforment la manière de penser des élèves. Bien qu'ils représentent un défi pour l'apprentissage, une fois maîtrisés, ils permettent une appréhension différente de l'objet étudié. L'évolution est un exemple de concept-seuil, tout comme la théorie des particules de matière, qui ouvre la porte à toute la chimie. Il est donc utile de persévérer dans la construction de ces concepts-seuils pour accéder à un niveau de compréhension supérieur.
Meyer et Land décrivent un certain nombre de caractéristiques propres aux concepts-seuils. Ces concepts sont susceptibles d'être :
De nombreuses conceptions erronées sont liées à certains concepts appelés concepts-seuils (threshold concepts). Ces concepts transforment la manière de penser des élèves. Bien qu'ils représentent un défi pour l'apprentissage, une fois maîtrisés, ils permettent une appréhension différente de l'objet étudié. L'évolution est un exemple de concept-seuil, tout comme la théorie des particules de matière, qui ouvre la porte à toute la chimie. Il est donc utile de persévérer dans la construction de ces concepts-seuils pour accéder à un niveau de compréhension supérieur.
Meyer et Land décrivent un certain nombre de caractéristiques propres aux concepts-seuils. Ces concepts sont susceptibles d'être :
- Transformatifs : ils entraînent un changement de perception d'un sujet et peuvent impliquer un changement de valeurs ou d'attitudes ;
- Irréversibles : le changement qui en résulte est peu susceptible d'être oublié ;
- Intégratifs : ils "exposent une interrelation masquée sous-jacente" entre d'autres concepts au sein d'une discipline, comme l'évolution le fait en biologie.
- Potentiellement troublant : les élèves peuvent rencontrer des difficultés pour s'adapter à la nouvelle vision proposée.
Une grille d'auto-évaluation pour progresser
Pour aller plus loin
Driver, R., Squires, A., Rushworth, P. and Wood-Robinson, V. (1994) Making sense of Secondary Science: Research Into Children’s Ideas, London: Routledge.
Bien qu’il s’agisse d’une référence un peu ancienne, ce livre fournit un aperçu utile et accessible des conceptions erronées et de la façon de la traiter en sciences.
Bien qu’il s’agisse d’une référence un peu ancienne, ce livre fournit un aperçu utile et accessible des conceptions erronées et de la façon de la traiter en sciences.
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La semaine prochaine, nous aborderons l'importance de l'auto-régulation et de la métacognition, un processus qui permet d'aider les élèves à diriger leur propre apprentissage.